La nuit tombe comme ma tête entre tes
mains :
et tandis que j'écris tu danses, mon
amour, tu danses
et je ne vois que cela dans le paysage
de cette vie muette
d'avoir été mille fois, mille fois brisée
et dans tes geste je la sens
mille fois, mille fois recommencée.
C'est le jeu de ce soir : je dois répondre
à ta danse
car moi, mon amour aux bras de
plumes et aux os de géante,
moi, mon amour, je ne danse pas.
Tu tournes, tu te tords, tu tombes et te
redresses
et j'accroche à ton œil clos, à la ligne
de la nuque,
à l'orbe de tes fesses
l'aiguille du langage qui va moins vite
que ton pied plus souple
qu'une tige de coquelicot,
ton épaule plus vive que l'aile d'un oiseau.
C'est le jeu de ce soir : immobile, je
réponds à la danse.
Ton corps est un bouquet, le mien est un
rameau.
Ce qui s'ouvre et se referme dans la ronde
infinie
des chevilles et des poignets me rappelle
des foins nouveaux
où nous roulions, enfouies jusqu'au
museau,
sous des soleils de fond de France.
Tes mains écartent les rideaux du passé :
ce que je sais de la danse
c'est qu'elle déplie tes songes peines et
les fait s'envoler
Tu es si belle dans les flammes des
bougies
qui te font des ombres au dos et des ailes
noires,
je reste à ma page blanche comme le
chat à son bord de fenêtre
tout ce que j'ai perdu je veux encore y
croire.
Je réponds à ta danse, c'est le jeu de ce
soir.
Nous passons tant d'années à pétrir dans
nos mains sales
des idées de vie parfaite où tout est grand
et triste,
je ne veux pas t'avoir avec moi je veux à
tes côtés être
comme la veine au cœur lourd et le sable
à la piste :
douce et nécessaire pour soutenir tes
pieds
quand ils n'en peuvent plus du socle de la
terre.
Tu souffles d'énergie pure dans la grande
salle où nous vivons
depuis quelques semaines comme des
amoureux fous,
pleines de confidences et d'évènements
qui tournent
au-dessus de nos têtes pour signifier
qu'ils s'en vont.
Je réponds à ta danse, mon amour, ma
belle amie,
avec des mots très bêtes qui viennent
naturellement
aux âmes simples et timides, aux
bouches roses et cousues :
ma poitrine est une terre mouillée
et tu danses dessus.
Cécile Coulon
Comentarios